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sociales, historiques, ethniques, il veut la paix pour tous les peuples et avec tous les peuples, quels que soient leur régime ou leurs principes de gouvernement. Mais sa volonté de paix n’est ni une faiblesse abandonnée, ni un repliement égoïste sur lui-même. La paix telle que la conçoit le peuple français, n’est pas la soumission muette à la force, l’acceptation résignée du fait accompli. Elle se fonde sur la légalité et la moralité internationales. Même si nous voulions nous enfermer dans une conception purement égoïste de notre intérêt, nous ne le pourrions pas, et quelle est la nation qui le pourrait plus que nous ? Il n’y a pas un conflit européen où la France ne risquerait de se trouver entraînée tôt ou tard, bon gré mal gré. La paix telle que nous la concevons et la voulons n’est donc pas seulement la paix de la France, mais la paix indivisible de l’Europe et du monde.

C’est assez vous dire avec quelles graves appréhensions la France envisage la situation actuelle. L’Europe présente n’est pas une Europe de paix. Le monde présent n’est pas un monde de paix. Je ne recherche pas pourquoi. Je ne recherche pas depuis quand. Le fait, le terrible fait, est là. Nous sentons l’atmosphère s’alourdir, l’ombre s’étendre. Partout, l’on arme, et le mystère dont certains pays entourent leurs armements ajoute encore à l’émoi universel. Pour la première fois depuis dix-huit ans la guerre européenne est de nouveau envisagée comme une chose possible. Or, de tous les dangers de guerre, le plus redoutable est peut-être le sentiment collectif que la guerre est devenue possible. La guerre est possible dès qu’elle est conçue comme possible. La guerre est presque fatale, dès qu’elle est conçue comme fatale. Je veux noter un symptôme qui ne me paraît pas moins alarmant. Les événements de ces derniers mois conduisent à cette conclusion désolante que les États qui agitent les dés de la guerre et semblent prêts à les jeter sur