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vous étonnerez pas si j’aborde de front cette question préalable, comme je ferai pour toutes les autres.

Il n’y a pas et nous comptons bien qu’il n’y aura jamais d’ « ordre » entre les puissances qui participent à la communauté internationale. Le jour où il s’établirait à l’intérieur de la Société des Nations une hiérarchie d’États, le jour où il s’établirait en dehors d’elle une catégorie dirigeante, la Société des Nations serait moralement et matériellement ruinée parce qu’elle aurait renversé son propre principe. Mais sur quoi se fonde-t-on pour affirmer, pour présumer, ou pour redouter, la dévalorisation du facteur France dans les affaires de l’Europe ? On se fonde sur deux sortes distinctes de faits : le mouvement de revendications ouvrières, la crise ouverte le 7 mars par l’occupation militaire de la zone rhénane. On a interprété les mouvements ouvriers comme s’ils ouvraient dans la vie intérieure de la France une phase de divisions et de déchirement équivalant à un commencement de guerre civile. On interprète les événements consécutifs au 7 mars comme s’ils ouvraient dans la politique extérieure de la France une phase d’abnégation passive la portant à tout tolérer pour elle et, à plus forte raison, à tout accepter pour les autres. De part et d’autre, la méprise est grave.

On s’attendait assurément en Europe à ce que l’occupation militaire de la zone rhénane provoquât de la part de la France une réplique d’ordre également militaire. La France ne l’a pas fait. Elle n’a recherché la solution d’une crise si dangereuse que dans les procédures internationales. Au lieu de mobiliser, elle a mis en cause les puissances garantes du traité de Locarno et la Société des Nations… Était-ce de sa part une marque de faiblesse ? En sommes-nous venus à ce point dans l’Europe d’aujourd’hui, qu’une nation s’affaiblisse ou se déclasse quand elle s’astreint à recourir aux armes