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religieux, que je louerai tout de suite M. Barrès d’avoir senti et fait sentir. Le cas a déjà donné texte à plus d’un livre, notamment à un roman bien connu de M. Bazin. Mais dans ces grands conflits cornéliens, où les instincts les plus forts et les passions les plus nobles se contredisent, la matière dramatique est inépuisable. M. Barrès, pour sa part, en a volontairement rejeté tous les éléments passionnels, personnels. Il s’en tient à un point de vue unique, qui est celui de l’intérêt français, de la persistance du patriotisme français sur la terre conquise. Son héros, l’Alsacien Ehrmann, ne lutte ni contre sa famille, ni contre des intérêts hostiles, ni contre un amour partagé. Se proclamant Français, il s’interroge seulement sur son devoir exact envers la France, et, de même que son père. aux jours tragiques, s’est résolu à demeurer sur la terre conquise, lui se résout à devenir soldat allemand.

Ehrmann heurtera par là beaucoup de préjugés vis-à-vis desquels M. Barrès a grande raison de se montrer sévère. Un jeune sot parisien, tout pétri de ce patriotisme bavard et bravache dont les plus beaux exemplaires se sont trouvés dans un parti que M. Barrés connaît bien, traitera son héros de renégat et de poltron. Mais l’injure n’ébranle pas les graves résolutions de ce garçon studieux et stoïque. Le jour venu, il entre à la caserne : le voici artilleur au service de l’Allemagne, de l’Empereur. Ses raisons d’agir, ses souffrances, son triomphe sur lui-même et sur un milieu hostile, c’est tout le