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l’univers à la lorraine qu’il porte dans les brouillards de sa conscience ». Ces brouillards sont tellement épais qu’il me paraîtra toujours incertain, en pareil cas, si l’on dégage ou si l’on crée. Mais M. Barrès est convaincu, d’une part, qu’on ne donne à un homme que ce qu’il possède déjà ; d’autre part, qu’il ne possède que ce que lui ont légué ses ancêtres. C’est cette âme atavique et innée que doivent éveiller « l’amour et la douleur, les plus beaux livres et. les plus beaux paysages, toutes les magnifiques secousses de la vie ».

Les éléments essentiels de cette âme atavique, M. Barrés les décompose tout à la fin de son livre en quelques mots, et un peu négligemment à mon gré. Les amitiés françaises auront accompli sur le petit Philippe leur travail de formation quand seront parfaites dans sa jeune àme l’idée de l’amour, de façon que « son désir se nuance de fierté, de beauté, comme on voit chez Racine », l’idée de l’honneur, de façon qu’il « place, instruit par Corneille, la gloire en dehors du succès », l’idée de la Nature, de façon qu’il sache goûter « nos paysages formés par l’histoire ». Tel est le but, et, sans me perdre à discuter si la réunion de ces trois idées forme un tout particulièrement français, car une telle affirmation, par sa nature même, échappe à toute discussion, il faut bien m’étonner un peu des moyens que M. Barrès imagine pour arriver à sa fin. Et en effet, il commence par mener le jeune Philippe en Suisse et en Italie. Les lecteurs ne s’en plaindront pas, car, pour passer de Suisse