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ombres immortelles qui l’habitent encore, Goethe, Byron, Wagner, et tant d’autres, parmi lesquels je déplore qu’on ait oublié le triste Rousseau. Sur ce thème magnifique. M. Barrès a écrit cent pages lyriques et désolées, et je n’y vois rien d’égal que les tableaux épars dans le roman de d’Annunzio. Choisissez celle qu’il vous conviendra, celle, par exemple, qui peint le retour à Venise en revenant de Torcello dont la terre trop vieille est déjà pourrie, et pressentez ici tout ce que l’analyse aurait pu suggérer à un Sainte-Beuve.

Après cette ville agonisante. M. Barrès a voulu nous arrêter sur des morts : Stanislas de Guaita, qui fut son ami, et qui. dans leur commune jeunesse, lui révéla le premier la beauté lyrique ; Leconte de Lisle, qu’il admirait et qui l’aima ; puis « l’impératrice de la solitude », Elisabeth d’Autriche, qui vécut triste et mourut assassinée. Et, pour clore ces nécrologies passionnées, il a inséré à la fin de son livre un morceau d’une grande beauté, mais d’un caractère tout différent : Le 2 Novembre en Lorraine. On y trouvera l’effort le plus tendu qu’il ait jamais essayé pour relier logiquement l’égotisme d’autrefois au nationalisme d’aujourd’hui. Ce n’est pas l’occasion de discuter son système. Mais comment taire cette étrange contradiction ? M. Barrès, théoricien du nationalisme. professe que nous ne sommes qu’un prolongement de nos pères, de notre sol, que notre raison n’est qu’une « reine enchaînée » sur les traies de nos aïeux. Et M. Barrès, écrivain, semble avoir surgi