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le fou

soif, c’est celui qui est nu ; c’est ce cœur dilaté comme le cœur d’un Dieu et que le monde égorge spirituellement par l’indifférence, comme Caïn égorgea physiquement son frère par le couteau. Le nom de ce Pauvre remplit les Prophètes et les Évangiles. On l’y trouve perpétuellement exalté, à ce point qu’on dirait que le serpent d’Aaron est une figure de cette première des béatitudes évangéliques par qui les autres ont l’air d’être dévorées.

Or, le monde, qui déteste la Béatitude, ne veut pas connaître le Pauvre. Il n’aperçoit pas plus les langueurs de son âme que les haillons de son corps. Mais si cette âme est magnifique, si elle éclate de splendeur, le monde, qui déteste par surcroît la magnificence et la splendeur, suppose la folie pour se dispenser de la justice.

Ernest Hello recueillit toute sa vie le sang spirituel qu’il voyait couler en torrents de l’âme du Pauvre assassiné par l’oubli de tous les Caïns que le monde croit innocents parce