Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
sueur de sang

Je viens au fait, car je me sens tomber dans le noir et je veux… je veux finir. J’obtins de m’utiliser en qualité de garde-malade et de cuisinière dans cette maison riche où logeaient les officiers supérieurs.

Il y avait — oh ! je le verrai, celui-là, dans la pourriture de mon cercueil ! — il y avait un général-major d’une brigade de cavalerie hessoise, un grand vieillard extrêmement dur, qui passait pour fort habile et qui ne faisait jamais de grâce. — Encore ! me disait-il, encore ! Mehr ! mehr ! — Attendez, vous allez voir. Il avait un fils, un joli petit capitaine, ma foi ! qui n’avait pas trente ans. Celui-là était blessé et confié à mes soins, à mes bons soins. Son père, qui faisait bombarder les ambulances, ne venait pas le voir, ses camarades non plus, et il était bien à moi toute seule, dans une chambre éloignée. Il ne traîna pas longtemps… Je n’ai eu besoin d’aucune aide. Ces mains que vous voyez ont suffi, et je n’ai pas ôté cet anneau… Ensuite, j’ai porté le corps dans un endroit de la cave où personne ne mettait jamais les pieds.

Mehr ! mehr ! gute französische Küche ! Oui, mon père, pendant trois jours, il en a mangé, le général ! Ah ! l’excellente cervelle de veau à la poulette avec sel, poivre, muscade, champignons et petits oignons que je lui ai préparée d’abord et qu’il faisait fondre dans sa bouche en buvant du château-margaux ! Il en redemandait, le vieux