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sueur de sang

Il les avait absous au Nom du Père, au Nom du Fils, au Nom de l’Esprit ; il les avait réconciliés, bénis de la bénédiction qui désenchaîne et qui clarifie, de la toute-puissante Bénédiction sacerdotale qui courbe les Neuf Chœurs des Anges.

Pillage, incendie, massacres, viols, blasphèmes et profanations, il avait tout entendu, tout pardonné pendant une heure.

Ce n’était pas assez. Maintenant il fallait consacrer pour eux le Pain et le Vin, leur donner à manger le Corps de Dieu, l’effrayante Viande des martyrs qui les remplirait de forces neuves pour recommencer tout cela.

Il parut à cet humble serviteur de la Table sainte que tout croulait en lui et autour de lui dans la Maison lumineuse, quand il lui fallut prononcer devant toutes ces langues féroces le « Corpus » inébriateur de la Gratification Eucharistique : « Que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ garde ton âme. »

Ayant ainsi distribué ce que l’Église nomme le « Pharmaque d’immortalité », il eut à peine le pouvoir de remonter à l’autel pour les dernières Oraisons, — cependant que les cloches glorieuses lancées avec frénésie, les pesantes cloches de ce Noël des mauvais vainqueurs, sanglotaient en haut, sur la campagne, dans l’exécrable silence des cieux.