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sueur de sang


À l’heure précise de minuit, le curé, revêtu des ornements blancs de la Nativité de Jésus-Christ, montait à l’autel dans une gloire de luminaires, portes ouvertes, et le grand carillon de la Joie des Anges emplissant l’espace.

Pour la première fois, peut-être, depuis le commencement de l’invasion, les Allemands n’avaient maltraité personne. Ils avaient même décoré l’église, les trois ou quatre cents bougies dont s’étonnaient les humbles murailles, ayant été tirées de leurs sacs, et les cloches étaient sonnées par l’un d’eux, qu’on disait fils d’un maître de chapelle de la Franconie.

Ordre admirable et recueillement parfait dans ce troupeau de sanguinaires adorateurs. Les officiers au premier rang, sabre au clair, près de la table de communion, les deux premières compagnies en armes échelonnées et rangées le long de la nef, dans un alignement absolu, et le reste sur la place, à perte de vue, observant les mêmes rectangles.

Au milieu, un étroit sillon où s’apercevaient des formes rampantes et noires, quelques femmes, quelques enfants venus, en tremblant, prier le petit Sauveur pour la France et pour leur curé.

De temps en temps, un commandement bref, suivi d’un tressaillement d’acier qui allait se perdre au fond des ténèbres à l’extérieur.