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l’obstacle

ques mobiles délaissés de toute espérance essayèrent de se coucher dans la boue.

De l’extrémité de la queue de nos traînards accourut un chef plein de blasphèmes. Commandant, général ou larve d’empereur, on ne sut qui était ce personnage. Mais il prétendait qu’on marchât et s’efforçait, en effet, de pousser sur nous un amas confus d’escogriffes à cheval et de lourds fourgons.

Tumulte, clameurs, injures atroces, malédictions épouvantables, larges coups donnés dans l’ombre. La pesée à chaque instant se faisait plus écrasante. Était-il donc écrit sur le livre de tous les destins qu’on allait crever ainsi ?

Enfin, la marche en avant put recommencer. Un peu plus tard on arrivait à Montfort où grelottaient déjà huit ou dix mille hommes, et qu’il était urgent de dépasser. Je pus voir alors de mes yeux l’Obstacle inconnu.

Ainsi qu’un rocher qui partage les eaux d’un fleuve, sur la place de l’Église et dans l’axe précis de notre colonne, une humble charrette immobile, mais attelée d’un de ces petits ânes presque invisibles que Dieu semble avoir créés pour se consoler Lui-même de l’excessive majesté de son univers. Sur cette voiture, une torche allumée, une femme à genoux et un mort.