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sueur de sang

bientôt, l’espace de respect, la clairière de crainte qui sépare toujours les soldats en déconfiture de l’armée victorieuse qui les poursuit. Il aurait alors le moyen de se déployer

Le premier Allemand qu’il rencontra fut un officier à cheval, à quelques pas en avant d’un groupe d’éclaireurs.

C’était un jeune, celui-là, un grand blond, au regard très doux qui ne se mit pas en colère en voyant venir à lui ce lamentable gendarme d’opéra-bouffe, aux buffleteries déteintes, à l’uniforme devenu deux fois trop large depuis son malheur, et qui paraissait avoir quatre-vingts ans.

Il arrêta même son cheval et, l’examinant avec un sourire mélancolique, lui dit en fort bon français :

— Où allez-vous donc ainsi, mon vieux père ?

Dussutour, alors à dix pas environ, dégaina son sabre, mouvement qui fit accourir aussitôt une quinzaine de cavaliers que leur chef immobilisa d’un geste.

— Ah ! ça, répondras-tu, vieil entêté ? reprit le jeune homme d’une voix plus haute. Tu ne penses pas nous faire peur avec ton bancal ? Où vas-tu et que demandes-tu ?

Le brigadier fit trois pas encore et piquant la terre de son arme, sur la poignée de laquelle il s’appuya des deux mains, répondit à Frédérick-Charles :

Je demande à voir tes papiers.