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le bon gendarme

mais en train de se déplumer de tout son prestige et de s’en aller à vau-l’eau.

Il s’égara jusqu’à oublier « le respect pour les personnes » et ne craignit pas d’affliger parfois de ses insolences un propriétaire foncier du voisinage qu’on disait posséder de grandes richesses et qui, par conséquent, avait droit à la plus abjecte considération.

Le bruit même courut — mais ce point ne fut jamais éclairci — que deux ou trois fois, il parut entreprenant avec des filles de campagne qu’il rencontrait dans la forêt.

Bref, le brigadier Dussutour, dont s’enorgueillissait auparavant toute la contrée, n’était plus qu’une de ces ruines qu’on signale mélancoliquement à la curiosité du voyageur.

Quelque invraisemblable que cela puisse paraître, l’avant-garde prussienne marchait déjà sur Orléans, et Dussutour à peine informé de quelque vague mésintelligence entre Napoléon et le roi Guillaume, ignorait absolument l’invasion des armées allemandes.

Il vivait seul, je l’ai dit, ne voyait à peu près personne et ne voulait rien savoir, se considérant lui-même comme un inutile et comme un mort. Naturellement, on laissait tranquille ce désagréable vieillard que tout le monde croyait en enfance.