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sueur de sang

à Beaugency, on avait tout dit, quand on nommait le brigadier Dussutour, et les représentants de l’autorité militaire ou civile n’avaient qu’un cri pour préconiser la vertu de ce soldat.

Il aurait arrêté le Diable et demandé leurs passeports aux gisantes multitudes ressuscitées par le souffle d’Ézéchiel.

Culminant et impliable comme les falaises, sa maigreur d’échassier antédiluvien le faisait paraître sempiternel. On ne finissait pas de le voir.

Il fallait une bonne conscience et très peu d’imaginative pour être bien sûr qu’il ne possédait, en réalité, que deux bras, tellement il symbolisait la force active des mille mains de la Répression.

À son approche, le tremblement des coquins devenait contagieux et, parfois, se communiquait à des bourgeois honorables qui sentaient confusément s’ouvrir en eux des abîmes.

Les âmes les plus intactes ou les plus soigneusement radoubées sentaient, en l’apercevant, comme un vague besoin de s’appuyer sur quelque chose, de se récupérer avec attention.

L’idée seule d’un sophisme ou d’un faux-fuyant devenait ridicule aussitôt que fonctionnait ce vieux brave, en qui s’incarnait l’Exactitude professionnelle, et que tout un département proclamait « aussi raide que la justice ».

Sa physionomie protestait avec une invincible énergie contre toutes les présomptions d’innocence. N’existant que pour traîner des coupables devant