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sueur de sang

ce qu’il vit lui mit de la terre sur la face et deux trous de feu sous les sourcils. Ne pouvant plus parler, il donna l’exemple et ce qui suivit fut un cauchemar sans nom.

Par la porte ouverte avec un fracas d’ouragan, les trois bougres apparurent, crosse en l’air, non pour se rendre, mais pour assommer. L’un des Prussiens en train de violer la femme liée par les quatre membres — au contentement des autres attendant leur tour et s’abreuvant à leurs bidons pleins d’alcool — fut équitablement le premier frappé par la main très sûre de Gueule-de-Bois. Il eut les reins cassés net, comme une vipère, et, dans la première seconde de stupeur qui précéda la mêlée, on entendit ce coup formidable qui jeta le bandit par terre et le fit se tordre en poussant des hurlements qu’on dut ouïr à deux lieues.

Tel fut le signal de la plus diabolique de toutes les danses. Les Allemands, désarmés pour la plupart, se dessoûlèrent à moitié. Un instant, ils furent encore dix contre trois, mais cela ne dura pas même le temps de le remarquer. Les massues montaient et descendaient avec une force irrésistible et désormais une seule voix articulée se faisait entendre à travers les cris de rage et le fracas des meubles brisés — la voix affreusement rauque de Gueule-de-Bois, broyant toujours du Prussien et répétant cet unique mot : « Cochons ! cochons ! » qui avait l’air de sortir de lui comme les bouillons excrémentiels sortent d’un égout.