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du Silence, et c’est ce que Wagner n’a jamais compris.

Mais que pouvait-il comprendre, ce galérien de toutes les fanfares, ce grossier adaptateur de légendes et de traditions qui nous sert un mastic de théogonie scandinave et de christianisme à dégoûter des hippopotames ?

Ses compatriotes ont essayé de lui donner plus d’importance qu’à Beethoven. Ne voyez-vous pas que c’est l’histoire d’Abel et de Caïn ? La flamme du premier monte paisiblement vers le ciel, de plus en plus blanche à mesure qu’elle s’élève ; celle du second est refoulée sur le sol avec une violence qui l’oblige à calciner jusqu’aux pierres de l’autel maudit, et la bête féroce ne supporte pas cet affront.

En sa qualité d’artiste divin, Beethoven aspirait naturellement au Silence, et c’est pour cela qu’il obtint la grâce de devenir sourd pour mieux entendre chanter son génie.

Wagner croit obstinément que la musique est une combinaison de divers bruits et ce qu’il nomme le « drame musical » est son ambition suprême. On ne peut pas être plus Allemand. Il lui faut du Beau qui se voie par les yeux de la tête, qui s’entende par les oreilles des plus vilains bougres, qui puisse être pris à bras-le-corps par tout le monde comme une catin. En un mot, c’est la musique matérielle et passionnelle — à sa plus haute puissance, je le veux bien, si cela peut vous faire plaisir.