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cence. Mais la plupart des survivants rapportèrent une âme infiniment lasse pour engendrer une consécutive génération privée d’enthousiasme.

Je doute fort que les vélocipédistes ou les manilleurs actuels se déterminassent aussi volontiers que leurs pères aux aventures dangereuses, aux fredaines parfois héroïques dont la guerre franco-prussienne offrit l’occasion. C’était alors, j’en ai peur, le geste suprême et dernier d’une France ancienne qui entrait dans son agonie.

Ils étaient venus de loin, les braves garçons que je vis peiner et combattre en cet hiver noir. Je parle d’un corps spécial qui se recruta surtout dans le Midi. Il y avait des Toulousains, des Marseillais, des Périgourdins et des Gascons, enfants de la vieille bourgeoisie provinciale et traditionnelle, assez proprement élevés par conséquent, et qui parurent, en général, beaucoup plus solides que les autres guerriers improvisés dans les départements du Centre ou du Nord.

Le grand Capitaine qui eût pu tirer parti de cette force ne se présenta jamais et les malheureux, saturés, dès leur tendre enfance, de Victoires et de Conquêtes, furent contraints de se résigner à la déroute perpétuelle en pleine patrie. Les moins invincibles trouvèrent cela terriblement dur.

Un dimanche soir, 4 décembre, — cette date ne sera point oubliée, — on était venu leur apprendre que l’armée française dont ils se croyaient soutenus avait repassé la Loire, que les Prussiens