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duisit, aussi longtemps que dura la guerre, avec un calme courage qu’aucune souffrance intérieure ou extérieure ne put entamer.

Ceux qui la connurent ne se souviennent pas de l’avoir vu rire. Elle n’acceptait jamais de conversation avec personne, passait même des jours entiers sans faire entendre une parole. Mais elle n’était dure à aucun de nous, et son instinct de femme se révélait en ce point qu’elle déployait une incomparable sollicitude pour nos blessés. Une dizaine, au moins, qui vivent encore, furent sauvés par elle.

Il fallait que cette créature eût dans l’âme toutes les chevilles de l’amour ou du désespoir, car nous ne pouvions comprendre où elle prenait la force de n’être jamais abattue.

Jamais de révoltes, jamais de plaintes, jamais une larme, jamais un soupir.

Quand il fallait se battre, elle se battait avec nous, mieux que nous, du même air tranquille, avec une indémontable innocence — comme elle eût fait une besogne horrible, mais nécessaire, qu’il ne lui était pas permis de refuser.

Rien d’une amazone. La rhétorique la plus opiniâtre n’eût pu voir en elle un seul trait d’ange exterminateur. C’était bien plus simple et bien autrement sublime.

Je ne crois pas qu’il me soit possible d’oublier le moment terrible où, saisis par un remous de bataille, il nous arriva d’être tellement entassés avec