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avec de singuliers yeux les légendes actuelles de cette guerre unique en son genre, dont tous les ressorts furent cachés.

J’imagine que quelques-uns de ces personnages, qu’on aurait pu contraindre à parler en les chaussant de brodequins rouges, laisseront au moins une poignée de documents authentiques, dont la place est marquée d’avance dans l’histoire des étonnements humains.

La guerre de 1870 est peut-être la seule où toutes les fautes furent commises par tout le monde sans exception, et des deux côtés à la fois.

Il n’est pas permis d’ignorer aujourd’hui que, jusqu’à la fin, les Allemands furent aussi stupéfaits de leurs victoires que les Français consternés de leurs défaites. Même après Sedan, même après Metz et jusqu’à la décisive bataille du Mans, l’Allemagne trembla, l’Allemagne eut peur de se sentir au milieu d’une nation si supérieure d’où pouvait jaillir tout à coup un Homme.

Aussi longtemps qu’une armée d’au delà de la Loire put être prévue, les chefs allemands les plus audacieux ou les plus habiles se crurent en danger quand même, et se tinrent toujours prêts à déchirer précipitamment des deux éperons les flancs agités de leurs chevaux de triomphateurs.

Ah ! si ce qu’on nomme bêtement la Fortune avait voulu susciter alors un de ces « petits Gaulois », — comme disait le Chancelier, — invisibles en plein soleil à force d’insignifiance, mais dont