Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
sueur de sang

Voilà tout ce que j’avais à raconter. Par condescendance pour messieurs les Psychologues, j’insiste sur ce point, à peine effleuré, que mon Abyssinien prétendu avait à peu près le visage d’une très belle fille infiniment voluptueuse et aussi dénuée de courage qu’on peut l’être sous le soleil. Il eût ravagé, dévasté facilement et profondément des enfants et des vieillards.

Or c’était un amoureux de la Guerre, quelle qu’elle fût. Il avait la concupiscence exclusive de l’égorgement.

Malgré la distance, je le vois encore, pâle et rouge comme une prostituée, dans sa pelisse de Magyar ou de favori du Padischah, les dix doigts pavés de pierres précieuses et, du haut de son destrier fabuleux, vous regardant — avec un sourire d’une langueur inexprimable — de ces yeux couleur de plomb, de ces terribles yeux d’aveugle jouisseur, d’où ne sortait jamais un rayon pâle, — au fond desquels se cachait très soigneusement la Mort.