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ment et par culture. Il ne tarde donc pas à sentir le besoin de se manifester en même temps généreux et spirituel.

— Sire, dit-il enfin, atténuant sa voix de culot de pipe, je suis vraiment confus et chagrin de voir ici Votre Majesté. Il est vrai que telle est la guerre et que tout le monde est forcé d’en subir les inconvénients. Si j’osais croire qu’une anecdote toute personnelle eût le pouvoir d’adoucir votre mélancolie, je dirais franchement que, cherchant un gîte à Gravelotte, le soir de la terrible bataille, et qu’ayant frappé vainement à plusieurs maisons, je finis par trouver une porte ouverte. Mais quand j’eus fait quelques pas dans un sombre corridor, je tombai dans une sorte de fosse à loups. Heureusement qu’elle n’était pas profonde. Je m’aperçus qu’elle contenait du fumier de cheval. Je me dis d’abord : Tiens ! si je restais ici ! Mais l’odeur me fit découvrir qu’il y avait autre chose. Si la fosse avait eu vingt pieds de profondeur et avait été pleine, mes compatriotes auraient inutilement cherché leur ministre le lendemain et je pense que les Français eussent légèrement porté mon deuil. Je sortis donc et m’étendis sous les arcades de la place (Historique).

Napoléon regarde le mufle prussien. L’insolence claire de cet apologue paraît le tirer de son accablement. Une minute, il se croit encore aux Tuileries et réplique lentement, avec une politesse auguste :