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furent avertis de la disparition de leur bois que par l’insolite clarté des brasiers.

On devine aisément le reste et de quel fou rire général fut accueillie désormais la rage du paysan qui parut à la veille de perdre véritablement ce qui lui restait encore de raison et dut subir cette nuit la plus rude épreuve qui puisse frapper un avare.

Les hommes du poste ayant naturellement informé les arrivants du caractère de ce personnage, le sac de sa maison fut accompli avec une incomparable virtuosité. Les volailles surtout disparurent comme par magie. On entraîna même un cochon dont le possesseur qui avait fini par pleurer de désespoir put entendre les cris de mort.

Comme s’il avait fallu une sanction à ce châtiment, le colonel vint en personne, accompagné d’une dizaine de ses officiers, s’installer à la propre table de la victime, déclarant avec sang-froid qu’un pareil jean-foutre devait s’estimer heureux d’avoir conservé sa peau.

Les mobiles qui n’avaient pas tardé à suivre l’exemple de leurs « aînés dans la carrière » et dont la nuit fut meilleure qu’ils n’eussent osé l’espérer, disparurent le lendemain, presque à la même heure que les zouaves, relevés de leur pénible faction par un officier que le colonel fit régaler à son tour, et on ignore ce que devint l’odieux bonhomme qui s’était si imprudemment flatté de vendre son bois aux soldats prussiens.