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qu’est-ce que vous avez donc à beugler ? Est-ce que vous devenez fou, par hasard ?

Pour toute réponse, l’énergumène l’entraîna dans la cour.

— Voyez ! D’un seul geste pathétique, il lui montrait la cour de sa ferme et les champs voisins.

D’abord le jeune homme ne comprit pas de quelle catastrophe on prétendait le rendre responsable.

Une ligne de feu, consolante et magnifique, se déployait au-devant de la ferme, sur toute l’étendue de la plaine et paraissait emplir l’horizon. C’étaient les zouaves qui se chauffaient — enviablement d’ailleurs — et, du premier coup, il ne saisit pas ce qu’un aussi simple phénomène pouvait avoir de calamiteux ou d’exaspérant.

Mais, enfin, ses yeux venant à s’ouvrir tout à fait, il découvrit que le colossal et glorieux bûcher n’existait absolument plus. Disparu, raflé, envolé jusqu’au dernier morceau de bois, comme une plume que le vent léger aurait emportée.

Depuis cette époque déjà lointaine, il n’a jamais pu s’expliquer ce fait qui lui paraît encore un miracle.

En moins d’une heure, les zouaves à moitié gelés, qui avaient perdu dans un tout récent combat leurs sacs et leurs manteaux, avaient accompli le tour de force d’emporter cet Himalaya, et cela, sans être entendu des gens de la maison qui ne