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Ce qui exaspérait par-dessus tout le petit sergent, c’était la vue d’une montagne de bois à brûler, au milieu de la vaste cour. Car je n’ai pas encore dit que la ferme était une de ces confortables demeures de paysan riche qui puent la graisse et la lésine.

Délimité par le corps de logis, les deux ailes pleines de bestiaux plus intéressants que leurs maîtres et la clôture en partie grillée sur le bord de la grand’route, un parallélogramme d’une étendue considérable offrait à l’admiration des troupiers en marche, glacés par des vents atroces, le spectacle très noble d’une pile gigantesque de rondins, tels qu’on en voit dans les grands chantiers de Paris, suffisants, croirait-on, pour alimenter pendant des mois, les feux de trente cuisines. Et ce bûcher superbe inspirait au jeune homme des pensées, nouvelles pour lui, d’extermination et de pillage.

Ce n’était qu’avec une peine infinie, en offrant le peu d’argent qu’il possédait, et surtout en menaçant le fermier de la colère de ses supérieurs, qu’il avait obtenu quelques bûches, en nombre dérisoire, autour desquelles grelottaient ses hommes, et la dernière achevait de se consumer.

Le froid excessif déjà, semblait redoubler. La nuit précédente, un de ses factionnaires avait eu