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Je me suis demandé souvent ce que pouvait bien être la vie, la patrie, Dieu même, pour une si profonde misère…

Nous ne sûmes que très tard et tout à fait à la fin combien ce spectre était complet, quand nous apprîmes que notre Salamandre était, passionnément, un profanateur de sépultures.

N’ayant vécu, depuis quelques mois, que de sa haine pour les Allemands, rien n’était capable d’assouvir cette passion unique, pas même leur mort dont il fut prodigue et qu’il sut, en certaines circonstances, leur faire savourer avec lenteur. Leur mort ! Ah ! bien oui ! Elle ne lui suffisait guère.

Il aurait voulu pouvoir les atteindre dans ce qui ne meurt pas, dans ce qu’on est convenu d’appeler leur âme immortelle, si, toutefois, il est permis de supposer que de tels bestiaux en ont une.

Privé de pouvoir surnaturel pour évoquer devant son cœur de bourreau les fluides esprits des trépassés, il s’acharnait aux cadavres, effroyablement persuadé que le Requiescant in pace n’est pas une formule vaine et qu’on peut, de quelque manière, affliger les morts en ne respectant pas leurs tombeaux.

En tout cas, on avait ainsi des chances d’aggraver le deuil de ceux qui leur survivent et qui les pleurent.