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poids. Le Prussien naïf avança la tête. À l’instant même, il avait autour du cou les deux mains puissantes du dormeur.

— Viens, ma cocotte, viens faire dodo avec papa ! disait celui-ci, en lui broyant amoureusement les vertèbres.

L’affaire du second pèlerin fut réglée aussitôt après d’un superbe coup de baïonnette en plein ventre.

L’autre anecdote est vraiment épique. Dans un engagement, d’ailleurs malheureux, où nous perdîmes un assez bon nombre de camarades, notre aventurier qui fut, un quart d’heure, le point de mire des chasseurs allemands, reçut en cette occasion le plus sanglant de tous les affronts.

Une balle ennemie vint percer son bidon de telle manière que le contenu s’en répandit jusqu’à la dernière goutte sur le sol. Impossible de se venger immédiatement, les Prussiens étaient hors d’atteinte. Mais, le soir, il disparut.

Deux jours après, le commandant nous mettait sur pied à minuit. Quelle promenade ! Pendant une heure, le vent du nord nous entra dans la peau comme des aiguilles. Mais nous savions qu’on allait piquer de l’andouille…

Les ordres étant précis, aucun fusil ne s’abaissa lorsqu’un être qui ressemblait à un paquet d’ombre, allant de-ci, de-là, s’avança vers nous, levant la main. C’était Bertrand qui nous attendait.