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notre armée toute vive restait entière pour faire face à l’abominable crapule de Mecklembourg, désormais facilement écrasable.

Mais, maintenant, on était cinq ou six cents volontaires complètement abandonnés, inutiles comme des épluchures d’oreilles de cochon. Il n’y avait plus qu’à décamper, sans perdre un quart d’heure, dans la direction de Sully, si on ne voulait pas être coupé par la vermine.

Ce rapport trop lucide ayant été fort distinctement évacué, et la défroque bavaroise quelque peu sanglante jetée aux ordures, l’homme redevint sur-le-champ la brute précieuse que nous connaissions, et nous avalâmes quatre cents kilomètres en huit jours…

Dieu me préserve du récit de cette retraite aussi imbécile qu’atroce où l’armée de la Loire, gelée, affamée, livrée au plus monstrueux désarroi, se ramassait à la pelle dans trois ou quatre départements ; où l’on vit des officiers supérieurs dételer les chevaux des pièces d’artillerie ou des fourgons d’ambulance pour fuir plus vite !…

N’importe, soixante mille hommes avaient beau crever de misère, le vieux Bertrand zigzaguait toujours. Vers la fin de ce mois terrible, il rejoignit avec nous l’armée de Chanzy et les farces déjà dites recommencèrent.