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trois mille de ses compagnons de Metz. Les quelques épisodes qu’il en racontait donnaient soif du reste.

On devinait qu’il avait dû traverser la province rhénane comme un jardin de cabaret, sans plus d’équilibre qu’ailleurs.

Avec quoi avait-il bien pu se maintenir dans ce bienheureux état, cet homme dénué de ressources, qui ne savait pas un mot d’allemand et que ses moindres gestes devaient dénoncer ? C’est ce qui sera certainement éclairci le jour où toutes les choses cachées sauteront aux yeux.

Ce qu’il y avait de sûr et certain, c’est qu’il était arrivé un beau jour à Liège, plus ivre et plus lucide que jamais, comblé d’or et de bijoux allemands, ayant dévalisé, disait-il, quelques villas germaniques, étranglé ou brûlé leurs propriétaires et que, narguant toute l’armée de Frédéric-Charles, il était enfin venu nous rejoindre aux environs d’Orléans, après une série non interrompue de cuites immenses.

Ce Bertrand avait toujours l’air de marcher à côté de lui-même. Il se parlait à demi-voix, s’encourageait à la constance avec une extrême douceur, se traitant de « petit cochon » et de « pauvre vieux », s’inondant des bénédictions les plus amples et se promettant sans cesse des « tournées » prochaines.