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sentiers de la guerre, — car il avait passé la cinquantaine et fait campagne à peu près partout, — il avait toujours trouvé le moyen de s’abreuver dans les villes ou dans les déserts.

Capable de toutes les audaces aussitôt qu’il s’agissait de « se goupillonner l’ouverture », il avait accompli des choses fameuses, des prouesses de flibustier légendaire, uniquement pour ne pas interrompre son entraînement de pochard.

Il se battait alors à tâtons, avec une furie d’autant plus grande qu’il voyait toujours trois ennemis au lieu d’un et qu’il lui fallait se multiplier lui-même en conséquence de cette illusion d’optique. Une division entière ne lui aurait pas fait peur, si elle s’était dressée comme un obstacle entre sa pépie et quelque bouteille, et il eût entrepris de l’enfoncer.

On pouvait même dire qu’en plusieurs circonstances, les chefs avaient superstitieusement abusé de ce merveilleux poivrot qui bronchait depuis un quart de siècle sans pouvoir dégringoler, que les balles ne pouvaient jamais atteindre et qui démolissait tout devant lui.

Il suffisait d’encourager sa mise au point.

— Je ne cogne bien, disait-il, que lorsque je suis bu.

Plus d’une fois, en Crimée, en Italie, au Mexique, il avait été désigné pour la croix. Mais comment ajuster l’« Étoile de l’Honneur » à ce lion de salle de police dont les inqualifiables méfaits ne se comptaient plus et qu’il importait de