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qu’il convenait à une maison de la ville du grand Roi où devait s’accomplir l’un des événements les plus considérables du siècle, se trouvait à droite, en arrivant de l’avenue de Saint-Cloud, séparé des maisons voisines par un assez grand intervalle. En retrait de quelques pas sur l’alignement, il avait une terrasse avec balcon et grille. Entrée principale, une vaste porte cochère. À côté une plus petite, au-dessus de laquelle on vit flotter, pendant les derniers mois, un drapeau rouge et blanc. Enfin, à droite, un superbe sapin ombrageait le bâtiment.

C’était, en somme, une de ces villas quelconques à jalousies blanches et toiturées en ardoise, avec perron, salle de billard, piano et jardin d’hiver muni d’un jet d’eau, comme il en fallait aux fiers conquérants pour se persuader qu’ils avaient atteint la magnificence des plus hauts satrapes.

Les produits les moins tolérables de la galvanoplastie, du stucage, de la vitrerie et du sous-pastiche industriel leur paraissaient autant de merveilles de cette Babylone assiégée dont le faste inique appelait le feu des cieux. On en a vu qui se liquéfiaient d’admiration devant une boule d’escalier ou un miroir sphérique de jardin bourgeois.

Cette maison entretenue avec soin, pendant cinq mois, dans une saleté toute germanique, était donc habitée par Son Excellence et par les cigares de Son Excellence dont les innombrables caisses, envoyées de Brême, s’empilèrent ; par l’affable comte de Bismarck-Bohlen qui trouvait son oncle trop