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— Mais, mon père, ne craignez-vous pas de nous juger trop durement et avec témérité ?

— Silence ! hurla le moine, vous êtes excommunié et si vous ne l’êtes pas ipso facto, en vertu des censures latæ sententiæ, moi, revêtu de pouvoirs ad hoc, je vous applique l’anathème et je fulmine contre vous l’excommunication majeure.

Le curé, très simple d’esprit, devina pourtant qu’il était en présence d’un scélérat dangereux et puissant. Mais il n’eut pas peur et, répondant beaucoup plus à lui-même qu’à son interlocuteur, laissa tomber ce mot de Joseph de Maistre :


Dieu a besoin de la France.


Quarante-huit heures après, il recevait d’un grand vicaire de Meaux, ce qu’on appelle un Veniat, d’une forme assez brutale. Le moine exigeait, Dieu savait en vertu de quels pouvoirs, que le prêtre qui avait eu l’audace de lui donner la réplique fût interdit et expulsé du diocèse.

La droiture des juges ecclésiastiques fit avorter ce dessein, mais le curé, quoique très pauvre, eut constamment à loger dix hommes triés avec soin parmi les gorets saxons ou poméraniens les plus fétides, les plus crapuleux, jusqu’au 25 septembre 1871, époque bénie du départ des derniers soldats de l’occupation.

Je ne sais ce que devint ce moine ou prétendu moine qu’il eût été si rafraîchissant de crever à la