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soldats, le roi Guillaume ordonnait soit un jour de jeûne et de prières à la façon anglaise, « humiliation and prayer », soit plus simplement une communion générale appropriée aux rites de chacun.

Il y avait, en effet, des luthériens, des calvinistes, des catholiques, des anabaptistes, des moraves, etc., sans oublier les israélites. Une Babel de prières !

On vit, sur les deux rives attristées de la Marne, en décembre et janvier, durant des journées glaciales, défiler ou stationner longuement des bataillons ou des escadrons qui venaient tour à tour, dans nos églises polluées, écouter les prédications morticines du superintendant Sheller ou de tout autre loquace Tartufe, chanter des cantiques et s’approcher de la sainte Table. Les hosties en usage dans la cène des luthériens étaient semblables à celles dont se servent les catholiques. Quant au vin qu’on versait dans les calices, c’était invariablement du vin de Champagne. On avait dû en réquisitionner des quantités fabuleuses rien que pour les usages religieux des Allemands.

Les soldats, même travaillés par la colique, se résignaient. C’était pour eux une consigne : Aus Befehl. Les cuirassiers, surtout, avaient une solide réputation de piété. Quelques pauvres filles violées à mort, quelques mobiles ou francs-tireurs prisonniers coupaillés en petits morceaux, purent apprécier le recueillement de ce corps de cavalerie.

On pourrait faire une monographie singulière-