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crot. Comment avait-il pu franchir les avant-postes du XIIe corps saxon ? Il n’en savait rien lui-même et ne comprit pas davantage par quel miracle il lui fut donné de revenir.

Mais il avait été le témoin de l’extrême démoralisation de ce corps, aussitôt après l’attaque formidable de l’armée de Paris sous le plateau d’Avron. Il avait vu l’arrière-garde des fantassins ennemis rentrer à Chelles, criblée de boulets et d’obus, et criant : « Malheur ! malheur ! » Enfin il avait pu lire, fraîchement écrits à l’entrée de tous les sentiers ou passages désignés pour fuir, les étranges mots allemands : Nach Retirade, qui servent, dans toute l’Allemagne, à notifier aux passants la présence des latrines ou des urinoirs publics.

Il accourait donc au moment précis où Ducrot s’arrêtait dans son triomphe, lui crier, au nom de toute la France, de poursuivre son avantage, de marcher hardiment sur le grand dépôt de Lagny, centre des communications allemandes, de briser, sur ce point si important et alors si faible, le cercle d’investissement ; en un mot, de ne pas laisser échapper l’occasion, unique peut-être, de décider les généralissimes prussiens à lever le siège.

Mais il usa vainement le peu de forces qui lui restait, à combattre l’obstination imbécile de quelques galonnés importants, aux pieds desquels il se traîna en pleurant, et qui ne lui permirent seulement pas d’entrevoir le général. Il revint chez lui râlant de douleur.