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nue s’établir dans le pays et dont le mari, toujours invisible, passait pour occuper une importante situation. Peut-être était-il bourreau chez quelque potentat de l’Extrême-Orient.

Néanmoins, dans cette vaste banlieue de joie qu’arrose la Marne et qu’étonnèrent, un peu plus tard, les massacres de Champigny, on se lassa bientôt des conjectures même malveillantes. On s’en lassa d’autant plus vite que Mme Frémyr arborait une incontestable opulence, ayant acheté à beaux deniers une propriété magnifique où des artistes et des écrivains du boulevard le plus littéraire étaient invités. Tout cela inspirait un respect très grand.

Certes, la conversation ou la vue de cette châtelaine odieuse ne pouvait pas exciter beaucoup les journalistes malins dont elle remplissait sa maison. Mais, quoique très avare et dure jusqu’à la férocité pour tout indigent, elle offrait de véritables festins, d’authentiques ripailles où ces messieurs pouvaient amener des femmes. Quelquefois même, elle entr’ouvrait sa bourse profonde.

On connaissait sa manie de peinturière enragée de gloire, dont les coloriages dartreux encombraient les expositions, et les dispensateurs attitrés de ce nectar en abusèrent.

Le désintéressement désormais si proverbial de la critique n’existait pas en ces temps néfastes. On était alors à la fin du second Empire et les mœurs de la chronique ou du feuilleton d’art