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vière d’un côté, rocher de l’autre, qu’il ne lui avait pas fallu moins de quatre heures pour déloger cette petite troupe naturellement impossible à tourner.

Enfin, grâce à d’obligeantes informations d’un ancien fabricant de pains à cacheter qui voyait avec une rage sans bornes les mobiles d’Eure-et-Loir piétiner ses plates-bandes, les Prussiens avaient réussi, fort heureusement, à déborder ces ravageurs qui s’étaient échappés à la petite fortune du bon Dieu par un bois voisin, ayant plus de trois mille hommes à leurs trousses, infanterie et dragons de Rothmaler.

Ils n’y reviendraient pas, c’était sûr, mais les Prussiens reviendraient. Pas moyen de garder l’ombre d’une illusion sur ce point. Et alors, ils se vengeraient, selon leur coutume, en détruisant tout. Les agneaux paieraient pour les tigres et les propriétaires pour les vagabonds.

C’était grave. Il y avait bien une quinzaine d’Allemands par terre, blessés ou morts, et autant de Français. Ceux-là ne comptaient pas, ils n’avaient que ce qu’ils méritaient. Mais les autres, ces pauvres diables venus de si loin ! Ah ! c’était de la peau qui coûterait cher !

Quant à la mère Thibaut dont l’affreuse loque sanglante s’apercevait au bout de la rue, on s’en foutait bien. C’était une gueusarde sans le sou qui vivotait au lavoir ou dans les champs, et dont le mari, une mauvaise tête, avait disparu depuis Se-