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XV

LES CRÉANCIERS DE L’ÉTAT


La mère avait été littéralement coupée en deux par un projectile, au moment où elle fermait ses volets. La guenille lamentable de son corps pendait de ci et de là, sur l’appui de la fenêtre pavoisée de son sang jusqu’au ras du sol…

L’affaire avait été chaude. Pour la première fois que le village avait l’honneur d’être visité par l’Invasion, on s’était cogné rudement et les habitants, c’est-à-dire les cinq ou six familles cossues qui n’avaient pas pris la fuite, comptant bien qu’une exquise urbanité plaiderait avec éloquence pour leurs tripes ou pour leurs écus, n’étaient pas contents.

Ces dignes bourgeois, qui n’avaient certes pas demandé la guerre, étaient inscrits au Grand-Livre, qui est, comme chacun sait, le répertoire nobiliaire des créanciers de l’État.