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ou poignardent ceux qui les implorent. D’affreux cris s’élèvent qui ne traverseront certes pas ce désert.

Ô ciel juste ! ô Dieu de pitié ! était-ce donc pour devenir la vivante proie de ces araignées du Golgotha que ces lamentables soldats ont versé leur sang tout le jour ?

Une femme s’approche de moi. Je devine bien qu’elle sera plus féroce encore, s’il est possible, que ses compagnons. Incapable de me défendre, glacé de terreur et recommandant mon âme à l’Invisible, je ferme les yeux…

Soudainement des coups de fusil et des cris de rage éclatèrent. Une escouade allemande jaillissait à son tour du bois et tirait sur les maraudeurs. L’horrible femelle gloussait à mes pieds son dernier soupir.

Dressé sur mon séant, je vis à la clarté, cette fois, d’une lanterne, s’évanouir le troupeau sinistre furieusement talonné par les soldats.

— C’est par ici qu’il y en a le plus, dit une voix.

Je crus qu’il s’agissait des fuyards. Il s’agissait simplement des morts, c’est-à-dire de moi et de tous les autres sans distinction, que le porteur de la lanterne, requis tout exprès, devait enterrer le plus promptement possible. C’était un