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fallait marcher un quart d’heure aggravaient tellement la physionomie lugubre du lieu, qu’on en avait, dès lors, tout à fait assez et qu’on désirait beaucoup ne plus entendre ce petit chien, ne plus voir cette chèvre en sang et ne plus subir ces moucherons redoutables que la présence d’un marais voisin faisait pulluler.

On ne pouvait pas dire cependant que la Domerie — tel était le nom séculaire de l’habitation — eût été le théâtre d’un de ces crimes qui laissent un crépi d’horreur sur les murs et qui peuplent de larves et de phantasmes l’air ambiant.

Tout le monde connaissait l’histoire peu tragique du défunt qui avait possédé « l’immeuble et ses dépendances », suivant l’expression du notaire, et nul n’ignorait que les occupantes actuelles, insoupçonnables assurément de tout forfait, n’étaient autres que sa veuve et sa fille d’adoption.

Seulement, ce défunt avait été un homme si effrayant pour le pays que sa mort même ne put rassurer personne et que les survivantes héritèrent de la crainte répandue tout autour de lui.

Crainte peu justifiée, car ce personnage, quelque bizarre qu’il fût, n’avait jamais été nuisible ni offensant. C’était même un voisin très doux, incapable de litige et toujours prêt à céder son droit. On en avait abusé, d’ailleurs.