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sueur de sang

tabernacle de moisissure, de scolopendres et de frissons noirs.

Deux femmes seulement l’habitaient, une vieille d’aspect fort étrange qui ne s’en éloignait jamais et une sorte de fille, quiescente comme un verbe hébreu, qu’il était impossible de faire causer et qu’on expédiait en hâte quand elle venait chercher ses provisions dans le bourg.

L’impression n’était pas, à proprement parler, le fantastique, mais une tristesse oppressante, énorme, inexplicable, qui tombait ainsi que tombe la pluie dans les mauvais rêves et qui pénétrait jusqu’aux os les plus folâtres séculiers du voisinage, lorsqu’ils s’approchaient de la maléfique demeure.

Nulle raison, d’ailleurs, d’accomplir une telle prouesse. Les recluses n’attendaient et ne recevaient personne, subsistant d’on ne savait quels débris d’une ancienne aisance que le notaire leur comptait en gros écus, tous les trois mois, sans que ce pauvre trésor eût jamais excité la convoitise d’aucun garnement de la contrée.

Le cœur défaillait aux plus intrépides avant même d’arriver au seuil défendu seulement par un petit chien qui aboyait comme un grillon, par un vieux et large puits noir à fleur de sol dont la profondeur mystérieuse était légendaire, enfin par des millions de moustiques habituellement occupés à dévorer une chèvre somnambule qui saignait de tout son corps en essayant de bêler…

Avec cela les très vieux arbres sous lesquels il