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sueur de sang

maison le nombre d’hommes à loger et à nourrir.

En un instant, la ville est illuminée et sillonnée en tous sens par l’armée prussienne. Malheur aux portes qui tardent à s’ouvrir. Les serrures cèdent aux pesées, les vantaux sont enfoncés, les vitres brisées. Malheur aux couards ou aux imprudents qui ont abandonné leurs demeures sans tout emporter. Ils ne retrouveront plus à leur retour ni leurs draps, ni leurs chemises, ni leurs gilets de flanelle, ni leurs chaussettes, ni leurs pendules, ni ces œuvres d’un art abject dont s’enorgueillissaient leurs familles, ni les châles ou les bijoux de leurs femmes contaminées amplement, et c’est une question de savoir s’ils retrouveront même autre chose que leurs quatre murs noircis ou polychromés par les flammes.

Visite au conducteur des ponts et chaussées et visite à l’agent-voyer. Ces malheureux fonctionnaires chargés partout des travaux de défense routière, écopent naturellement les premiers. Les Allemands ne leur pardonnent pas le défoncement des belles routes nationales ou départementales, défoncement d’ailleurs imbécile, qui fut encore plus funeste à notre armée en déconfiture qu’elle ne retarda l’artillerie des envahisseurs.

Visite au percepteur. Celui-là est invariablement dévolu à un officier allemand, payeur du corps d’armée, qui vient lui intimer l’ordre de livrer sa caisse et ses livres de comptabilité. Quand la caisse est vide et les archives introu-