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sueur de sang

Il renonça donc à se cacher plus longtemps et, plein de résolution, alla se poster, quelques kilomètres plus loin, dans un amas de décombres à l’entrée du village de Barville, où s’embranche la voie de Nemours. En ce lieu de passage et non pas ailleurs, s’accomplirait son destin.

Celui de la France était fort amer. Le général de Polignac, victorieux jusqu’à midi, avait engagé l’affaire avec audace, ne doutant pas de l’arrivée du général des Pallières, commandant le 15e corps en observation à vingt kilomètres à peine. L’inaction demeurée inexplicable de ce chef stérilisa l’immense effort de cette journée qui eût pu être, avec son concours, la victoire la plus brillante et la plus avantageuse.

Neuf heures du soir. Le ramasseur de crottin qui n’avait pas été dérangé et qui commençait à dormir d’épuisement, eut tout à coup le pressentiment d’une chose extraordinaire.

Le chemin s’emplissait de rumeurs profondes et de bruit de roues, comme si tous les chariots de la Bible étaient en marche. Il avança la tête et vit une interminable cohue de fantômes qui se hâtaient dans la direction de Pithiviers. C’étaient les masses prussiennes démantibulées à Beaune-la-Rolande, qui s’en retournaient dans une indicible confusion vers leur généralissime.