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le ramasseur de crottin

et le craquement horrible des mitrailleuses s’entendirent toute la journée. Les feux de pelotons ne s’arrêtaient pas une seconde.

L’avorton se sentit soldat. Les paroles terribles du Parisien l’avaient transformé. Maintenant, il aurait voulu mourir en faisant quelque chose de magnifique pour cette France de tous les Français qui avait fait si peu pour lui.

Mais quoi ? N’était-il pas le plus misérable et le plus faible des êtres ? Cependant il avait déjà pris la vie de cet étranger qui voulait faire de lui un petit Judas, et puisque, après tout, il ne s’agissait que de tuer, il tuerait aussi bien qu’un autre en risquant de franc jeu sa vilaine peau.

Devant lui s’étendait un large espace libre et déboisé, délimité par la grande route départementale qui passe à Beaune en venant de Montargis. Quelques rares estafettes lancées à fond de train y apparaissaient un moment et c’était tout.

Instinctivement, il comprit que l’effort était concentré sur un point unique et qu’en attendant l’issue de la bataille, cette plaine était sûre et pouvait être franchie sans danger jusqu’à l’heure formidable où elle serait inondée de fuyards ou de victorieux.

D’ailleurs, c’est un phénomène d’hypnotisme très observé, que la surveillance périclite aux alentours d’un vrai combat décisif. On trinquerait avec un ennemi pour en obtenir des renseignements.