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les dernières colonnes de l’église

Certes, j’ai écouté la musique des conversations faubouriennes, si terriblement gouailleuses, si résignées ! C’est une longue chanson dolente, toujours par strophes de 6, 7, 3 ou 8 vers, et ces vers sont toujours octosyllabiques : c’est-à-dire la coupe même et la verve des vieux poètes de l’Ile-de-France. C’est étonnant, mais strictement vrai, et plus j’avance, plus je me figure que l’alexandrin est un cercueil où l’on couche la Poétique française.

Et maintenant, au plus injuste de vos reproches. « Vous voulez plaire », m’écrivez-vous. Moi ? Plaire ? Jamais de la vie. Je veux être entendu et compris, ce qui n’est pas la même chose.

Si je voulais plaire, je changerais ma forme, même pour le peuple, car souvent j’ai entendu des ouvriers prétendre que « ça n’était pas convenable », ce que j’écrivais, et que « l’ouvrier ne parle pas comme ça ». Rentré chez lui, il traite sa femme et sa fille de vache et de putain ; mais l’ouvrier actuel, soi-disant éclairé, confesse de plus en plus Joseph Prudhomme qui s’est fragmenté en lui à l’infini, et il ne veut pas que lui, électeur ou membre d’un comité quelconque, soit soupçonné de parler ainsi. Ce citoyen préférerait sans doute l’argot du parlement et des réunions publiques…

Non je ne cherche pas à plaire. Je lutte, au con-