Page:Bloy - Les Dernières Colonnes de l’Église, Mercure de France, 1903.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
le dernier poète catholique

sont d’un français pur du seizième siècle — le plus beau français qu’on ait jamais parlé.

Et puis vous m’écrivez l’impression affreuse que vous cause cette écriture. Mais je ne cherche pas autre chose que de provoquer l’horreur et la terreur. Alors, ici, mon but est atteint. Il importait que les Bourgeois se doutassent des douleurs qu’ils causent, des crimes dont leur hypocrisie et leur égoïsme étouffent la clameur, du sort épouvantable qu’ils font aux Inconnus qu’ils écrasent, et comment l’aurais-je fait sans employer les mots mêmes des écrasés, voyons ?

Je persiste. Il était urgent qu’un poète, se servant d’un gabarit ancien, d’un rythme, si vous préférez, retrouvât, en le modernisant un peu, le cri lamentable d’Eustache Deschamps :

Ça ! de l’argent ! Ça ! de l’argent !

Tout ce qu’on pourrait me reprocher, c’est d’avoir apocopé les vers et écrit certains mots avec la corruption de la prononciation lasse et fatiguée des pauvres et des avachis. Mais c’est là encore un souci d’exactitude et je ne puis penser que ce soit un grief sérieux. Comment ! je ne respecte pas la langue, moi qui ai l’âpre besoin de revenir à sa source, à sa saveur raide et naïve ! Ceci n’a rien à voir avec la blennorrhagie zolaïque, sapristi !