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hommes, sans distinction ; le désir au moins du repos après le labeur, quand sonne l’Angélus du soir. — Mes enfants, ma femme vont mourir, condamnés par des milliers de mes frères qui les sauveraient en donnant seulement la pitance d’un de leurs chiens. Moi-même je n’en peux plus et je suis comme si je n’avais pas une urne précieuse, une âme de gloire que les cieux ne rempliraient pas, mais que l’avarice des premiers-nés du Démon a faite aveugle, sourde et muette. Cependant ils n’ont pas pu tuer le désir qui me torture !…

Une pauvre vieille doit une dizaine de francs à une dame de charité qui lui dit : — Vous ne pouvez pas me donner d’argent, vous me donnerez votre travail. La malheureuse, pleine du désir de s’acquitter, travaille donc, faisant le ménage, le savonnage, la cuisine, la couture. Les semaines, les mois, les années passent ainsi. La mort arrive. Elle doit toujours dix francs et une reconnaissance éternelle.

La méchanceté la plus horrible est d’opprimer les faibles, ceux qui ne peuvent pas se défendre. Prendre le pain d’un enfant ou d’un