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l’avare qui se désole de ne pouvoir le payer à l’échéance ou d’être forcé, en le payant, de se dessaisir. Dans le second cas, ce dévot quitte Dieu pour Dieu, manœuvre tactique recommandée par les directeurs de conscience.

Oui, c’est vrai, je suis resté fort au-dessous de ma tâche. Le mal procuré par l’avarice est tout à fait indicible, humainement irrémédiable. Tout ce qu’on peut faire c’est d’aggraver la damnation de Caïn en lui mettant sur la tête, le sang de son frère. Et tout ce que peut faire le riche — si le démon lui restitue son âme — c’est de renoncer à ses richesses. Car il faut indispensablement que l’Évangile s’accomplisse et que le Royaume du Pauvre soit constitué. C’est celui-là et non pas un autre qui est demandé dans l’Oraison Dominicale : Adveniat regnum tuum. « Lorsque vous prierez, vous prierez ainsi », a dit le Seigneur. Vendez et donnez, renoncez à tout ce que vous possédez », paroles strictes et ineffaçables que la lâcheté chrétienne, les jugeant trop héroïques, s’efforce de raturer sacrilègement au moyen de l’ignoble et jésuitique distinction