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Celui qui parle ainsi est, aux yeux du monde, un peu moins qu’un ver. Mais il a raison infiniment et Dieu lui-même n’a pas pu mieux dire. Les Juifs sont les aînés de tous et, quand les choses seront à leur place, leurs maîtres les plus fiers s’estimeront honorés de lécher leurs pieds de vagabonds. Car tout leur est promis et, en attendant, ils font pénitence pour la terre. Le droit d’aînesse ne peut être annulé par un châtiment, quelque rigoureux qu’il soit, et la parole d’honneur de Dieu est immodifiable, parce que « ses dons et sa vocation sont sans repentance ». C’est le plus grand des Juifs convertis qui a dit cela et les chrétiens implacables qui prétendent éterniser les représailles du Crucifigatur devraient s’en souvenir. « Leur crime, dit encore saint Paul, a été le salut des nations ». Quel peuple inouï est donc celui-là à qui Dieu demande la permission de sauver le genre humain, après lui avoir emprunté sa chair pour mieux souffrir ? Est-ce à dire que sa Passion ne le contenterait pas, si elle ne lui était pas infligée par son bien-aimé et que tout