Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais, comme ma tête était levée vers le ciel,
Tout à coup une goutte tomba du nuage ;
Une goutte amère tomba dans ma bouche, —
Amère, plus amère que la bile.
Et il me semble, frères — j’en suis même sûr,
Oh ! oui, oui, que c’est une larme juive, une larme de sang
Une larme juive, — que c’est affreux !
Elle m’a arraché l’âme et je perds la tête.
Une larme juive, mon Dieu ! je me perds, —
Mais c’est un mélange de fiel, de cerveau et de sang,
Une larme juive ! — je l’ai reconnue de suite.
Elle sent la persécution, le malheur et le pogrom[1].
La larme juive, oh ! je sens dans cette odeur
L’affreux blasphème de deux mille ans…
La larme juive… Maintenant je comprends
Quelle sorte de nuage c’était.


Cet écrasé au fond des cryptes semble avoir senti plus qu’aucun autre la tristesse épouvantable et surnaturelle de cette Semaine Sainte qui dure pour lui depuis deux mille ans et qui est toute l’histoire des Juifs après la Vendition de leur Premier-Né. Mais aussi, plus qu’un autre, il en a senti la beauté. Quelques-uns de ses poèmes sont comme des échos dans un sépulcre de la grandiose Liturgie de Ténèbres entièrement puisée dans le Livre

  1. Massacre des Juifs.