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la Pologne russe. Là-bas, au bord d’une eau tantôt calme et tantôt furieuse, son père, un pêcheur très-pauvre, lui racontait des histoires de révoltes et de souffrances pour lui agrandir le cœur. « Nous n’avons pas toujours été un peuple capable seulement de pleurer… » Appelé à continuer tous les souffrants et à être plus pauvre encore que ses pères ne l’avaient été, il fut consolé toute sa vie par le souvenir de son humble enfance passée dans le voisinage de la rivière, des collines et des forêts.


Le soleil se couche derrière les montagnes… L’eau coule, coule toujours et murmure une langue que nul ne connaît. Une barque solitaire vogue au loin, sans batelier, sans gouvernail ; on dirait que des diables la poussent. Dans cette barque un enfant pleure… De longues boucles dorées roulent sur ses épaules, et le pauvre petit regarde en soupirant… Et la barque vogue toujours. En agitant dans l’air son mouchoir tout blanc, Il me salue de loin, Il me dit adieu le pauvre, charmant enfant. Et mon cœur commence à s’agiter. On dirait que quelque chose pleure…