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Après huit siècles, le même mal s’est effroyablement aggravé. Les pauvres captives délivrées pas le bon chevalier Yvain — car il les délivra, s’il faut en croire son trouvère — étaient au nombre de trois cents. Écoutez maintenant Tolstoï :

En face de la maison que j’habite il y a une fabrique de soieries aménagée suivant les dernières prescriptions de la technique. Là, travaillent et vivent trois mille femmes et sept cents hommes. De chez moi, j’entends le bruit incessant des machines, et je sais, car je suis allé là-bas, ce qu’il signifie. Trois mille femmes, debout pendant douze heures, sont devant les établis et parmi un bruit terrible, elles pelotonnent et dévident les fils de soie avec lesquels on fera des étoffes. Toutes ces femmes, à l’exception de celles qui sont arrivées récemment de la campagne, ont un aspect maladif. La plupart mènent une vie dépravée et immorale. Presque toutes, mariées ou non mariées, aussitôt après l’accouchement, envoient leurs enfants à la campagne ou dans une crèche où 90 pour 100 de ces enfants périssent, et les