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l’autre. Le visiteur a du temps à perdre. C’est si amusant, les ateliers d’artistes et on peut quelquefois y rencontrer des petits modèles ! Le visité, que tourmente son propriétaire, voudrait bien vendre une ou deux toiles. Rien de plus banal. Mais, ce matin, le pauvre peintre est particulièrement sombre et le bruit de l’automobile agite ses nerfs. Une conversation s’engage pourtant, bien stupide, hachée comme du chiendent. Tout à coup, on ne sait comment ni pourquoi, le monsieur, cédant à cet obscur mouvement intérieur qui porte les assassins à tout avouer, se déclare millionnaire. Il n’en faut pas davantage. L’artiste bondit.

— Vous êtes millionnaire, crie-t-il, qu’est-ce que vous venez faire ici ? Vous êtes millionnaire, vous avez une de ces voitures hideuses que j’exècre et vous ne l’employez pas uniquement à courir, du matin au soir, au secours des pauvres ! vous m’entendez bien, au secours des pauvres qui vous ont été confiés pour leur malheur et qui vous attendent en pleurant. Mais alors, vous êtes une canaille infâme, un voleur des pauvres ! Car enfin cet argent qui ne vous